Écrit par Marion Rungette

Laurent Grave Raulin : « Pour être souverains en Europe, il faut développer des règles communes en faveur d’un marché de l’économie circulaire ».

Entretien avec Laurent Grave-Raulin, secrétaire général du groupe Citeo

Laurent Grave Raulin

Citeo est l’entreprise qui a pour mission la réduction de l’impact environnemental des emballages ménagers et des papiers, à travers des solutions de réduction, réemploi et recyclage pour le compte de ses clients. Depuis la création de Citeo, les entreprises de la grande consommation et de la distribution ont investi plus de 13 milliards d’euros pour développer l’éco-conception, pour installer et financer la collecte sélective et pour créer des filières de recyclage, avec leurs partenaires collectivités locales, filières et opérateurs.

 

Dans un monde où les ressources s’amenuisent, en quoi l’économie circulaire est-elle l’économie par excellence qui crée de la valeur ?

Une économie qui conçoit le déchet comme une nouvelle ressource permet, à quantité de matière première égale, de maximiser le nombre de transformations utiles aux activités humaines. Vertueuse en soit, cette approche est devenue nécessaire dans un monde où la souveraineté est primordiale et où l’accès aux ressources se complexifie (climat, biodiversité, raréfaction, géopolitique…). Dans ce contexte, la création de valeur durable réside donc dans notre capacité à réduire la quantité de matière utilisée, à la réemployer plusieurs fois, puis à la recycler. Voilà les « 3R » qui guide l’action de Citeo au quotidien et qui, nous en sommes convaincus, participeront à la compétitivité et la souveraineté des économies durables.

 

Pourquoi est-il nécessaire de continuer à façonner l’économie circulaire à l’échelle de l’Europe ?

Pour les raisons que je viens d’évoquer, l’économie circulaire est la condition d’une croissance durable, et est déjà un facteur de compétitivité en ce qu’elle génère des économies et permet de répondre aux attentes grandissantes des consommateurs en matière de transition écologique. Pour en maximiser les bénéfices, il faut la structurer à l’échelle pertinente ; celle continentale – européenne, est pour nous la bonne. D’une part, parce qu’elle permettra de réaliser des économies d’échelles et de piloter une véritable politique de la ressource. D’autre part, parce qu’il est nécessaire, pour développer une souveraineté économique européenne et nationale, d’adopter des règles communes entre pays voisins pour un marché unique de l’économie circulaire.

 

En quoi l’économie circulaire peut-elle devenir un avantage compétitif
pour l’Europe, comme alternative aux modèles américains et chinois ?

C’est un modèle qui fait notre singularité aujourd’hui et fera notre force demain. Quand d’autres modèles croient pouvoir ignorer les limites planétaires, nous avons fait le choix de la sobriété, de l’innovation et de la responsabilité. Ce choix stratégique favorise la création de filières industrielles robustes, moins dépendantes des importations et plus résilientes face aux crises. Il stimule aussi l’innovation : la R&D dans les matériaux, les procédés et les services, positionnant les entreprises européennes comme leaders d’une transition écologique à laquelle les autres pays du monde ne tarderont pas à se convertir. Enfin, il répond à une attente forte des consommateurs européens, de plus en plus sensibles à l’impact environnemental de leurs achats. En investissant dans l’économie circulaire, l’Europe peut ainsi conjuguer compétitivité, souveraineté et exemplarité.

 

Comment s’impose-t-elle comme un levier de souveraineté européenne ?

L’économie circulaire est un puissant levier de souveraineté, car elle réduit la dépendance de l’Europe aux matières premières importées, souvent issues de zones géopolitiquement instables. En développant la réduction via l’éco-conception, le réemploi et le recyclage, nous valorisons les ressources déjà présentes sur notre territoire. Cela permet de sécuriser les approvisionnements, de maîtriser les coûts et de limiter les risques liés aux fluctuations des marchés mondiaux. En parallèle, l’économie circulaire permet de structurer des filières industrielles locales qui favorisent l’emploi et l’innovation en Europe et contribuent à renforcer la résilience de nos économies face aux crises. Ce surcroît d’indépendance, c’est autant de souveraineté que l’Europe conquerrait pour défendre plus librement ses valeurs et son modèle sur la scène mondiale.

 

De quelle manière l’économie circulaire participe-t-elle à la cohésion sociale
et laisse-t-elle une empreinte positive ?

Elle y participe en créant des emplois locaux, non délocalisables, sur tout le territoire et dans des secteurs variés : réemploi, lavage, éco-conception, collecte, tri, recyclage, notamment. Par ailleurs, elle implique l’ensemble des acteurs de la société – citoyens, entreprises, collectivités – dans une démarche collective de responsabilité et de solidarité. En réduisant la pollution et en préservant les ressources, elle améliore aussi notre qualité de vie. Enfin, l’économie circulaire encourage l’innovation sociale, en développant de nouveaux modèles de consommation, comme le partage ou la location, qui renforcent le lien social et l’engagement citoyen.