Écrit par Marion Rungette

Xavier Mathieu et David Grall : « Notre souveraineté industrielle passe aujourd’hui par l’ancrage local. C’est une approche non seulement résiliente mais aussi durable ».

Entretien avec Xavier Mathieu, vice-président metallurgy et David Grall, vice-président sustainability and corporate transformation chez Nexans

Xavier Mathieu Et David Grall (1)

Nexans est un leader mondial de la conception et de la fabrication de systèmes de câblage, de services pour la transition énergétique et de la connectivité avec plus de 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Avec plus de 120 ans d’histoire, le groupe opère dans plus de 40 pays et emploie plus de 28 500 personnes. Engagé dans une stratégie de croissance durable, Nexans investit dans les énergies renouvelables, l’électrification des infrastructures, l’économie circulaire des matériaux et l’innovation technologique, au service d’un avenir sobre en carbone.

 

Pourquoi le cuivre est-il si stratégique pour l’électrification du monde ? Quels sont, selon vous, ses principaux enjeux dans la transition énergétique qui s’opère ? 

Xavier Mathieu : « Le cuivre est clé pour l’électrification du monde. C’est le matériau idéal grâce à ses excellentes propriétés conductrices et sa durabilité. Il équipe la majorité des câbles dans le monde. La demande de cuivre dans le monde va continuer à s’accroitre dans les 10 années à venir sous l’effet de la croissance mondiale, de l’électrification des pays en développement et des besoins en data centers. Or, l’extraction stagne : le défi, c’est de faire plus avec moins. »

David Grall : « Le cuivre est stratégique, oui, mais surtout, il doit être durable. Les industriels doivent s’inscrire dans une démarche à long terme et responsable face aux enjeux de disponibilité et l’augmentation des besoins. Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, c’est repenser toute la chaine de valeur de notre industrie, de la partie amont avec nos fournisseurs à nos propres opérations ainsi que la partie aval avec nos clients. Label Copper Mark, offres et produits bas carbone, recyclage massif : chez Nexans nous sommes pionniers et exemplaires en intégrant l’économie circulaire au cœur de notre modèle. »

 

Dans un contexte où les États-Unis imposent de nouveaux droits de douane
sur certaines matières premières et où la Chine domine le marché mondial
en termes de consommation de cuivre, comment Nexans s’affirme comme
un acteur clé de l’économie circulaire sur ce matériaux critique et participe ainsi
à renforcer la souveraineté industrielle européenne ?

Xavier Mathieu : « Nexans est une entreprise internationale avec un encrage fort sur le territoire français et qui détient la dernière fonderie de fil de cuivre en continue à Lens. Cette usine produit l’équivalent de 100 % de la demande française. Nous mettons actuellement en place de nombreuses initiatives pour augmenter notre consommation de cuivre secondaire et ainsi recycler le cuivre issus des déchets de production ou des produits en fin de vie. C’est dans cet esprit que nous investissons plus de 90 millions d’euros pour construire à Lens une usine dédiée au recyclage du cuivre. Cela nous permettra d’augmenter de 50 % notre capacité de production, et atteindre jusqu’à 80 000 tonnes de cuivre recyclé par an, et une autonomie renforcée face aux tensions internationales. »

David Grall : « La souveraineté industrielle passe aujourd’hui par l’ancrage local. Nos usines situées au Canada nous permettent de servir le marché nord-américain avec du cuivre transformé sur place. Cette production continentalisée limite notre dépendance aux importations et réduit l’empreinte carbone liée au transport. C’est une approche responsable, résiliente, et alignée avec notre ambition mondiale en matière d’économie circulaire. »

 

En quoi votre techno-plateforme d’économie circulaire, créée en 2023,
contribue-t-elle concrètement à renforcer l’autonomie industrielle de Nexans face
aux perturbations des chaînes d’approvisionnement observées depuis la période post-COVID ?

Xavier Mathieu : « Il est vital pour une entreprise de pouvoir anticiper et faire face à des perturbations sur les chaines d’approvisionnement comme nous l’a montré le Covid. C’est dans ce sens que Nexans a engagé très tôt des actions pour re-employer du cuivre secondaire dans ses fonderies de fil de cuivre et notamment en créant dès 2008 un partenariat avec Suez pour le recyclage de déchets de câbles en cuivre. Nous allons poursuivre cette stratégie pour accroître notre autonomie industrielle et les investissements en faveur du recyclage que nous entreprenons vont dans ce sens. »

David Grall : « L’extraction du cuivre a un impact environnemental, comme toute activité d’extraction minière. Notre réponse c’est de placer l’économie circulaire au centre de notre stratégie et de monter progressivement à 30 % de cuivre recyclé d’ici 2030. Moins de dépendance aux ressources vierges, c’est plus de résilience et un impact environnemental réduit. »

 

Au-delà de l’objectif de 30% de cuivre recyclés d’ici 2030, quelles innovations technologiques développez-vous pour renforcer la place de matériaux recyclés
tout en maintenant la qualité et la performance de vos produits ?

David Grall : « Notre objectif est clair, nous voulons intégrer le maximum de matériaux recyclés que ce soit sur les métaux non-ferreux que sur les plastics et les polymères, sans compromis sur la performance. Pour le cuivre, nous visons en effet 30 % de matière recyclée d’ici 2030. Mais cela vaut aussi pour l’aluminium, par exemple à partir de 2025, tous les câbles basse tension produits dans notre usine de Jeumont (nord de la France) comprendront 10 % d’aluminium recyclé. Nous sommes également engagés sur le plastique, avec des projets pilotes nous permettant d’intégrer des éléments recyclés porté par l’innovation et la R&D »