Écrit par Marion Rungette
Sarah Becker : « Les sujets en droit de l’environnement sont de plus en plus diversifiés. »
Entretien avec Sarah Becker, Avocate Associée chez VingtRue, spécialiste en droit de l’environnement
Sarah Becker est avocate au Barreau de Paris depuis 2013, co-fondatrice et membre du Comex de la Fondation des Femmes. Spécialisée en droit de l’environnement, Sarah intervient en conseil en matière de sites et sols pollués, accompagne les porteurs de projet en matière réglementaire, et intervient dans le cadre de contentieux. Sarah possède également une expertise en matière de gestion de crise environnementale.
En tant qu’avocate en droit de l’environnement, quels sont les sujets sur lesquels les entreprises vous sollicitent ?
Les sujets sur lesquels je suis consultée en droit de l’environnement sont de plus en plus diversifiés, signe d’une évolution dans la prise en compte, par les entreprises de tous secteurs, de ces enjeux.
Je suis interrogée sur les sujets « classiques », spécialement concernant la pollution : comment reconvertir une friche industrielle sans risque ? Comment gérer ses déchets afin de favoriser l’économie circulaire ? Comment permettre de nouvelles constructions voire de nouvelles activités industrielles tout en respectant les règles relatives aux espaces ou aux espèces protégées ou à zéro artificialisation nette (ZAN) ?
Ensuite, et pour tous les secteurs, je suis de plus en plus sollicitée sur les sujets d’allégations environnementales ou carbone et de « greenwashing ». Ainsi : ai-je le droit de dire que mon produit est vert ? neutre en carbone ? Comment puis-je compenser mes émissions dans un cadre sécurisé ?
Enfin, les entreprises s’adressent à moi en cas de difficulté(s) : lors de procédures pénales liées à leurs activités (mauvaise gestion des déchets, non-respect d’une mise en demeure du préfet, pollution d’une rivière, etc.) ou en cas de différend sur les aspects environnementaux de contrats.
Quels sont les principaux enjeux réglementaires que vous voyez émerger pour les entreprises ?
Il y en a énormément !
Le grand sujet du moment pour les entreprises me semble être les nouvelles obligations de reporting (CSRD) (ou les obligations en lien avec les investissements durables SFDR pour les acteurs financiers) qui vont leur imposer une vraie réflexion sur la prise en compte de l’environnement dans leurs activités.
Ces obligations qui visent à renforcer la transparence des entreprises sur leur prise en compte des enjeux environnementaux sont à mettre en perspective avec un encadrement plus strict des allégations environnementales et carbones et des sanctions en cas de « greenwashing ». Il faut ainsi que les entreprises trouvent le bon équilibre afin de respecter l’ensemble de ces nouvelles règlementations.
Toujours sur le thème de la plus grande transparence, les entreprises vont devoir d’avantage informer, dans les années qui viennent, sur les caractéristiques environnementales de leurs services ou produits avec par exemple l’affichage environnemental pour les produits textile.
Quel est votre regard sur la règlementation environnementale (française et européenne) ? Va-t-on dans le bon sens, et assez rapidement ?
La règlementation, à la fois au niveau français et au niveau de l’Union européenne, est de plus en plus fournie et toujours extrêmement technique.
Si ces nouvelles règlementations vont dans le « bon sens » puisqu’elles visent à une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, elles sont toutefois parfois assez ardues à intégrer pour les entreprises. Je pense par exemple aux règles complexes en matière de déchets et de responsabilité élargie du producteur (REP) ou celles applicables aux nouveaux projets par exemple d’énergies renouvelables qui peuvent parfois être vues comme des freins.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises pour se préparer aux législations environnementales, comme par exemple la CSRD ?
Il me semble fondamental que chaque entreprise concernée par la CSRD dans les années qui viennent, et leur nombre ira crescendo, réalise un état des lieux de sa situation vis-à-vis de la règlementation environnementale et, en parallèle, un état des lieux de l’ensemble des communications sur ces mêmes sujets.
Il y a une mise en cohérence à faire entre les communications qui relèvent des politiques RSE, celles visant les consommateurs ou celles qui sont destinées à leurs actionnaires. En fonction de l’état des lieux il y aura aussi probablement des plans d’actions et d’amélioration permettant de rédiger plus sereinement les rapports rendus nécessaires par la CSRD.